Lee Bertin & Laure Gasme

La prostitution déserte progressivement le trottoir. Après la fermeture des maisons closes en 1946, un nouveau chapitre de l’histoire du plus vieux métier du monde est donc en train de s’écrire.

On ne dira pas que c’est plus chic, moins glauque, mais les prostituées elles-mêmes trouvent leur appellation passée de mode, et se déclarent désormais escorts.

Pourquoi pas ? Après tout, question boulot de merde, la "femme de ménage" aussi a troqué son appellation  traditionnelle contre ce qui semble –mais qui n’est pas- une promotion, avec le titre ronflant de "technicienne de surface" !

On ne parle donc plus de prostituée, désuet, et trop connoté péjorativement, mais d’escort, sous l’influence des anglo-saxons. A tort, car ce ne sont pas des synonymes, escort (ou call-girl) désignant une catégorie particulière de prostituées, à savoir exclusivement

les travailleuses du sexe dont la présence, contrairement à celles exerçant sur la voie publique (prostitution de rue), est habituellement cachée aux yeux du public, leur activité relevant dès lors de la prostitution dite indoor.

C’est une évolution importante de la profession, qui apparaîtra comme une amélioration pour le pouvoir politique : elles sont devenues invisibles, les petites têtes blondes ne verront pas ces femmes de mauvaise vie ! Et, en sens inverse, une régression pour nombre d’intéressées : marginalisées, moins bien protégées, isolées, et fragilisées psychologiquement depuis qu’elles ont cessé de se considérer comme exerçant un métier comme un autre. C’est se mentir que de se dire : oh, ça ou autre chose...

Seule une infinitésimale partie d’entre elles n’en sortent pas abimées, et au contraire grandies : les frigides qui n’arrivent à prendre du plaisir que sous cette forme.